Pédagogie

Quelques éléments clefs de ma pédagogie :

  • J’accorde beaucoup d’importance à la correction individuelle : en effet, chacun(e) rencontre des difficultés qui lui sont propres, l’enseignement  ne saurait donc être uniforme. L’enseignant est justement là pour aider à prendre conscience de ses erreurs, faute de quoi celles-ci se répètent d’année en année…
  • Bienveillance et humour : on cherche avant tout le relâchement, je veille donc à ce que l’ambiance du cours soit décontractée et que chacun(e) se sente à l’aise, sinon il semble difficile de se détendre… Pour cela, quoi de mieux que de rire, parfois même de ses erreurs ?
  • Plaisir : le plaisir ressenti est la garantie d’une bonne pratique. Au contraire, des sensations désagréables sont signe d’une erreur et doivent être indiquées à l’enseignant.
  • Exigence et patience : mon but est de faire progresser mes élèves, de les aider à trouver le relâchement qui change profondément le corps et rend celui-ci agréable à vivre au quotidien. C’est pourquoi, avec bienveillance, je pointe les erreurs, encore et encore, mais avec patience car je sais comme il n’est pas aisé de changer ses habitudes.
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Traités classiques de Taichi chuan

Vous trouverez ci-dessous deux traités classiques du taichi chuan (ou Taiji quan en transcription pinyin). Les traductions sont de Catherine Despeux et sont extraites de son livre « Taiji quan : art martial, technique de longue vie ». Elles sont reproduites avec son aimable autorisation.

Traité sur le Taiji quan
(attribué à Zhang Sanfeng)

Dès le moindre mouvement, le corps entier doit être léger et agile, et toutes ses parties reliées. Il convient de stimuler le souffle, de concentrer la puissance spirituelle, de faire en sorte que les mouvements ne présentent aucune rupture, qu’ils n’aient ni creux, ni bosse et qu’ils soient sans discontinuité. L’énergie prend racine dans les pieds, se développe dans les jambes, est commandée par la taille et se manifeste dans les doigts. Des pieds, aux jambes, à la taille, il faut une unité parfaite; ainsi vous serez capable, dans l’avance ou le recul, de saisir le bon moment et d’obtenir une position avantageuse. Sinon, le corps sera disloqué, défaut provenant des jambes et de la taille.

Ce principe s’applique quelle que soit la direction. Tout cela est une affaire d’intention et non pas une chose extérieure. Le haut ne va pas sans le bas, ni la gauche sans la droite, ni l’avant sans l’arrière; si l’intention est d’aller vers le haut, placer la pensée vers le bas, tout comme lorsqu’on veut arracher une plante, si l’on y ajoute l’idée de torsion, il est certain que la racine elle-même se rompra et elle sera rapidement détruite. Il convient de distinguer clairement le « vide » du « plein ». Chaque partie du corps correspond au « vide » ou à la « plénitude ». Le corps doit être relié, articulation par articulation, sans la moindre discontinuité.

Les dix principes essentiels du Taiji quan
(dictés par Yang Chengfu, écrits par Chen Weiming)

1. Etre vide et agile et maintenir l’énergie au sinciput (sommet de la tête)

Maintenir l’énergie au sinciput, c’est tenir la tête bien droite, de sorte que l’énergie spirituelle soit reliée au sinciput. N’employer pas la force musculaire, qui raidirait le cou et gênerait la circulation du sang et du souffle. Que votre esprit soit spontané et agile, car sans l’agilité et le maintien de l’énergie au sinciput, la force vitale ne peut être mise en branle.

2. Rentrer légèrement la poitrine et étirer le dos

Rentrer la poitrine consiste à la retenir légèrement vers l’intérieur, pour que le souffle descende se concentrer dans le champ de cinabre. Abstenez-vous de bomber le torse, sinon le souffle étant comprimé au niveau de la poitrine, la partie supérieure du corps sera lourde, la partie inférieure légère, et les pieds auront tendance à flotter. Étirer le dos consiste à faire adhérer le souffle au dos. La rentrée de la poitrine entraîne naturellement un étirement du dos, ce qui permet d’émettre la force à partir de l’axe spinal et d’être alors sans rival.

3. Relâcher la taille

La taille est le maître de tout le corps. Les pieds n’ont de la force et le bassin de l’assise que si l’on est capable de relâcher la taille. Les passages du “plein” au “vide” s’effectuent à partir de mouvements tournants de la taille. C’est pourquoi l’on dit : “La source du commandement est à la taille”. Le manque de force provient de la taille et des jambes.

4. Distinguer le “plein” et le “vide”

Dans l’art du Taiji quan, le premier principe est de distinguer le “plein” et le “vide”. Si tout le corps est appuyé sur la jambe droite, on dit que la jambe droite est “pleine”, la jambe gauche “vide” et vice versa. Les mouvements tournants ne sont effectués avec légèreté, agilité et sans le moindre effort que si l’on sait distinguer le “plein” et le “vide” ; sinon, les déplacements sont lourds et gauches, le corps manque de stabilité et l’on est aisément déséquilibré par l’adversaire qui vous attire.

5. Baisser les épaules et laisser tomber les coudes

Baisser les épaules consiste à les relâcher et les laisser tomber ; si l’on ne peut les relâcher et les laisser tomber, elles sont haussées, ce qui entraîne une remontée du souffle et par conséquent un manque de force dans tout le corps. Laisser tomber les coudes le long du corps consiste à les relâcher. S’ils sont levés, les épaules ne peuvent être abaissées, et l’on ne peut repousser très loin l’adversaire. La technique utilisée se rapproche alors de celle de l’école exotérique employant une force intérieure (jing) discontinue.

6. Employer la pensée créatrice et non la force musculaire

Il est dit dans le Traité sur le Taiji quan: “Tout réside dans l’emploi de la pensée au lieu de la force”. Pendant la pratique du Taiji quan, tout le corps est détendu, de sorte que pas la moindre énergie grossière ne subsiste et ne stagne entre les os, les muscles ou les veines, vous ligotant ainsi vous-même. C’est alors seulement que l’on peut effectuer les passages d’un mouvement à l’autre avec légèreté et facilité, et exécuter les mouvements tournants avec naturel. Certains doutent qu’il soit possible d’avoir une force durable sans l’emploi de la force musculaire, mais le corps humain possède des canaux de circulation du souffle, de même que la terre a ses rigoles. Si les rigoles ne sont pas obstruées, l’eau coule ; si les veines ne sont pas bouchées, le souffle circule. Lorsqu’une énergie raide emplit ces canaux, le sang et le souffle sont gênés, les mouvements tournants manquent d’agilité et il suffit de tirer un cheveu pour que tout le corps suive. Si au lieu de la force musculaire on emploie la pensée créatrice, là où la pensée parvient, le souffle parvient. De la sorte, le sang et le souffle circulent continuellement dans le corps sans s’arrêter un seul instant. Grâce à un long entraînement, l’on acquiert la véritable énergie intérieure, et comme il est dit dans le Traité sur le Taiji quan : “La souplesse et la flexibilité extrêmes produisent la résistance et la rigidité extrêmes”. Ceux qui sont familiarisés avec la technique du Taiji quan et la maîtrisent, ont les bras semblables à du fer entouré de coton, la force y est enfouie profondément, tandis que les disciples de l’école exotérique manifestent la force musculaire dans l’action et semblent flotter dans l’inaction. Cela prouve que leur force musculaire n’est qu’une énergie superficielle. Quand on emploie la force musculaire à la place de la pensée créatrice, l’adversaire peut très facilement vous inciter à vous mouvoir, cela ne mérite pas notre estime.

7. Relier le haut et le bas

Relier le haut et le bas, c’est se conformer à ce principe énoncé dans le Traité sur le Taiji quan : “L’énergie prend racine dans les pieds, se développe dans les jambes, est commandée par la taille et se manifeste dans les doigts. Des pieds, aux jambes, à la taille, il faut une unité parfaite”. Tout mouvement des mains va avec un mouvement de la taille ; quand les pieds se meuvent, l’énergie spirituelle des yeux (le regard) se meut en même temps et les suit ; dans ce cas, l’on peut dire que le haut et le bas sont reliés ; mais si une seule partie du corps ne se meut pas avec le reste, il y a désordre et dislocation.

8. Unir l’intérieur et l’extérieur

Le travail du Taiji quan est un travail de l’énergie spirituelle. C’est pourquoi l’on dit : “L’énergie spirituelle est le maître, le corps le valet.” Si l’on peut mettre en branle la force vitale, les mouvements sont spontanés, légers et agiles. L’enchaînement des mouvements suit les principes (d’alternance) de “plein” et de “vide”, d’ouverture et de fermeture. Quand on parle d’ouverture, il ne s’agit pas uniquement d’ouverture des pieds et des mains, mais aussi de l’ouverture de la pensée et de l’esprit. De même, la fermeture n’est pas seulement une fermeture des pieds et des mains, mais aussi de la pensée et de l’esprit. Si l’intérieur et l’extérieur peuvent être unis en un seul souffle, tout est parfait.

9. Lier les mouvements sans interruption

Dans les arts de combat de l’école exotérique, l’énergie employée est l’énergie grossière du “ciel postérieur”. Il y a donc des départs, des arrêts, des enchaînements, des interruptions. C’est au moment précis où l’ancienne force arrive à sa fin et où la nouvelle n’est pas encore née que l’on peut le plus aisément être vaincu. Comme, dans le Taiji quan, l’on utilise la pensée et non la force musculaire, tout est lié sans interruption du début à la fin ; quand une révolution est terminée, une autre commence, le mouvement circulaire se déroule à l’infini. Il est dit dans le Traité originel : “La longue boxe est semblable aux flots d’un long fleuve ou de la mer, qui se meuvent continuellement et sans fin”. Ou encore : “Faites se mouvoir l’énergie comme un fil de soie que l’on dévide d’un cocon.” Toutes ces comparaisons suggèrent que tout est relié par un seul souffle.

10. Rechercher le calme au sein du mouvement

Dans les arts martiaux de l’école exotérique, la capacité de sauter est considérée comme très importante, et l’on y utilise jusqu’à épuisement la force musculaire et le souffle. C’est pourquoi, après s’être exercé, le boxeur est toujours haletant. Dans le Taiji quan, on dirige le mouvement par le calme ; bien que mouvant, l’exécutant reste calme ; c’est pourquoi il est préférable d’exécuter l’enchaînement des mouvements le plus lentement possible. Grâce à la lenteur, la respiration devient longue et profonde, le souffle est concentré dans le champ de cinabre, et le pratiquant n’a naturellement pas les artères battantes. Les adeptes doivent s’appliquer à comprendre cela, mais peu y arrivent.

La pratique

  • repousser-singe-2Apprentissage d’une forme de taichi chuan : l’apprentissage du taichi chuan passe par la mémorisation d’une forme, c’est-à-dire un enchaînement codifié de mouvements. Nous travaillerons une forme de style Yang (la petite forme de Pékin ou la forme longue traditionnelle de 108 mouvements). Faire une forme est agréable et joli à regarder, mais une fois qu’on l’a apprise et répétée un certain nombre de fois, on se rend compte qu’il ne s’agit que d’imitation des mouvements et que la forme est comme une coquille vide : il faut désormais la remplir !

 

  • parer-2Travail de posture : celui-ci est une porte privilégiée pour découvrir le corps interne. Celui-ci peut sembler un peu ingrat au début car, comme la position du corps n’est pas correcte et comme le corps n’est pas encore formé, cela fait apparaître des tensions. Celles-ci ne doivent pas être vues comme des ennemies mais au contraire comme les signes d’erreurs et donc comme des guides vers une pratique plus correcte. Alors on commence à lâcher, le corps se libère, s’enracine et les lignes commencent à se former dans le corps. Le travail de posture est donc exigeant mais heureusement ces efforts s’en trouvent grandement récompensés ! En effet, d’une part, si la pratique est correcte, le travail de posture devient très agréable. D’autre part, on commence à découvrir le corps interne, ce qui révolutionne les sensations et la façon de bouger le corps. Par exemple, lorsqu’on revient vers la forme de taichi chuan, celle-ci commence à se remplir et on peut alors commencer à parler véritablement de pratique du taichi chuan, pas seulement d’imitation des mouvements.

 

  • qi-gong-_-posture-de-l-arbreTravail de qi gong (prononcer « tchi kong ») : on travaille la posture de l’arbre, des mouvements simples des bras en position statique qui visent à libérer le corps ainsi qu’une marche simple, dans chaque cas de la façon spécifique à l’interne. Le travail statique développe l’enracinement, demande de libérer le corps et la respiration. Quant au mouvement des bras, il a pour but de trouver la façon de bouger ceux-ci par le relâchement.

 

 

  • fille-de-jade-2-2Travail de la marche du taichi chuan : il est également important de travailler la marche du taichi chuan pour trouver l’unité du corps. Cela veut dire que les différentes parties du corps ne doivent pas bouger de manière séparée, c’est le corps entier qui doit bouger de manière unie. De cette unité du corps découle la force : ce n’est pas le bras qui pousse ou qui frappe, mais le corps entier. Pour aborder la marche, celle-ci peut dans un premier temps être effectuée sans mouvement des bras pour ne pas multiplier les difficultés. Mais ensuite, on ajoute les bras en intégrant à la marche un des mouvements de la forme et en répétant celui-ci en ligne droite, alternativement à gauche et à droite, pour que le travail soit symétrique.
  • Travail à deux dans le taichi chuan: une pratique régulière amène vite des sensations agréables mais attention, ces sensations sont amenées à évoluer énormément au cours des années et ce serait une erreur de s’y attacher et encore plus de s’en satisfaire. Pour éviter justement de verser dans l’autosatisfaction, il est important de travailler à deux et de se tester, cela rend vite humble en mettant en évidence les crispations. Encore une fois, celles-ci doivent être accueillies avec bienveillance : ce sont simplement des indications dont il faut tenir compte pour améliorer son travail. Se tester peut se faire de diverses façons. Par exemple, un partenaire peut venir tester (doucement) la solidité d’une posture particulière. Le travail est correct si cette posture tient sans qu’on sente de crispation ou de douleur, dans les épaules notamment. Il est aussi très intéressant de pratiquer le tui shou, c’est-à-dire la « poussée des mains » : il s’agit de toucher l’équilibre de son partenaire mais sans force brute, en suivant les principes du tai chi chuan. Le tui shou améliore l’équilibre, apprend petit à petit à avoir conscience globalement de son corps et de celui de son partenaire, malgré la pression de ce dernier qui rend bien sûr le relâchement plus difficile !